C’est lors d’un échange Erasmus à Paris, dans le cadre de ses études de scénographie, que le déclic se produit. Aux paramètres d’espace-temps qu’elle voue à faire habiter de corps externes, en l’occurrence ceux des comédiens, Clio Van Aerde apprend à intégrer le sien. Par le biais de la performance, elle s’expose à de nouvelles sensations, comme l’appréhension de l’autre et la peur de l’imprévu, sensations qui, loin de la freiner, vont la pousser à avancer.
Le 9 juin 2018, à 9h15, Clio Van Aerde prend le départ, depuis Schengen, d’une expédition pédestre hors-norme, une performance à la rencontre de la notion de frontière.
Pendant 26 jours, celle-ci lui fera longer aussi méticuleusement que possible la ligne de démarcation géographique du Luxembourg, lui fera traverser quotidiennement une quinzaine d’enclos, de barrières ou de murets et la fera passer par d’innombrables paysages, climats et cheminements intérieurs. « Ce projet m’a profondément touchée et l’expérience a eu des effets méditatifs, thérapeutiques sur moi et mon regard sur la vie. »
« Tous les jours, dans les actualités, on entend parler de frontières, bref, de ce besoin de démarcation de l’humanité. »
Hormis les personnes qui lui apportent du ravitaillement tous les deux ou trois jours, deux chercheurs de l’Université du Luxembourg, Estelle Evrard et Cyril Blondel, ainsi qu’une équipe de tournage qui vient la filmer* à trois reprises, la marcheuse rencontre finalement plus d’animaux que d’humains. La frontière, cette ligne si abstraite et catégorique à la fois, lui semble dépeuplée et vide de sens…
Guidée par un GPS, qui permet au public de la suivre en direct par internet (en collaboration avec le MUDAM), l’artiste a réduit sa communication au strict minimum logistique. « Cela m’a permis de percevoir à quel point nous sommes dépendants de la technologie. A posteriori, j’ai l’impression d’avoir fait une sorte de cure de désintoxication qui m’a permis de remettre en question mes habitudes. »
Reste, au final, l’expérience physique mais toujours impalpable de la frontière, ce trait invisible à l’oeil nu que l’artiste n’aura pu voir qu’en ligne, on line (nom du projet).