Inspiré par un rêve d’enfance qui a plongé ma propre maison sous les eaux, j’ai eu l’envie de créer un objet insolite qui allait permettre au spectateur de vivre cette expérience avec moi, au plus proche de moi. C’était un rêve qui raconte l’arrachement à mon enfance, à mon foyer, l’anxiété et la peur du déracinement tout en beauté, dans la nostalgie de mon passé.
J’ai eu envie de créer un objet sensoriel et visuel qui délivre une émotion viscérale à travers la magie du cinéma. L’espace à créer devait donc faire écho à la maison dans laquelle j’ai grandi. Dans la pièce se trouvent des photos de mon enfance montrant mes parents, mes frères et moi-même à Disney Land ou encore une photo du mariage de mes parents. L’interview que l’on entend au début et à la fin est un enregistrement de mon grand-père qui parle de ses années en tant que joueur professionnel de basketball pour la NBA.
Le film frôle l’impossible et interroge notre condition humaine. La façon dont nous interagissons avec l’eau est devenue moins aventureuse. Nous allons à la plage juste pour mettre les pieds dans l’eau et prendre de belles photos. Il est devenu rare de trouver des gens qui interagissent réellement avec l’eau, en nageant ou en jouant par exemple. L’eau est devenue une coulisse, qui nous est complètement étrangère.
Je souhaite connecter le spectateur à cet élément naturel qui est un des éléments qui nous compose et nous entoure, tout en explorant le danger qu’il peut poser, et en créant le désir et la curiosité autour de cet élément.
SUBMERGE a été filmé en juillet 2022 à la piscine René Hartmann à Dudelange avec l’aide précieuse de l’équipe Sub Aqua Sport et le montage, la colorimétrie et le travail sonore sont dès à présent terminés.
Nous avons pourtant rencontré des difficultés pour réunir tous les moyens escomptés au début car ce type de projet n’est pas réalisé très souvent et il est complexe de faire entrer ce projet dans une catégorie définie du genre danse ou vidéo.
La fascination et la curiosité sont au cœur de tous mes projets. Si je ne suis pas moi-même émerveillé par ce que j’essaye de créer, alors à quoi bon ?
Isaiah Wilson
Une fois ces difficultés surmontées, je me souviens d’un moment spécifique qui a marqué mon engouement : c’est le jour où nous avons pu prouver le fonctionnement du concept. Nous étions en répétition à la piscine de Dudelange et nous venions de recevoir les outils qui allaient nous permettre de plonger la caméra sous l’eau. C’est à ce moment précis que nous avons compris que le projet allait fonctionner et que ce que nous avions projeté allait enfin se matérialiser. Une émotion particulière qui nous a tous envahi à ce moment-là et nous a encouragé à porter ce projet très complexe jusqu’au bout.
En effet, le projet est un mariage complexe entre plusieurs disciplines. Je pense qu’il serait important que des fonds dédiés à une approche artistique transdisciplinaire soient mis en place au Luxembourg afin de permettre aux créateur·ice·s de développer des projets plus complexes et qui soient à la hauteur de leurs volontés artistiques.
Je souhaite que ce film puisse parcourir de nombreux festivals, musées et espaces d’expositions. Il représente une sorte d’introduction à ma démarche artistique et aux projets que je souhaite mener au cours de mon parcours d’artiste. Il engage une réflexion sur le corps qui est délogé du plateau et qui est soumis à différentes forces, à différents espaces et temporalités.
Je choisis des projets qui suscitent ma curiosité et qui ne se réaliseront que si la réponse à la question « Est-ce que ce projet impossible est réalisable ? » est positive. Je suis d’avis qu’il faut toujours essayer, et ne jamais s’attarder pour essayer.
Le fait d’avoir réussi à monter un tel projet malgré sa complexité m’encourage à continuer à concevoir des projets qui sortent du cadre habituel de création. Interroger le médium, c’est ce qui m’intéresse.